Robert Linzeler (Renaissance de l’art français, mai 1923)

Robert LINZELER est un nouveau venu dans la rue de la Paix, mais ses états de service sont déjà anciens dans la corporation. Il y avait vingt-quatre ans qu’il avait acheté au Marais la maison d’orfèvrerie Jules Piot et treize ans qu’il avait installé ses ateliers, rue d’Argenson, lorsqu’il vint s’installer à ce magasin du 4 de la rue de la Paix, dont Louis Süe et André Mare ont fait un modèle d’installation moderne.

Le damas de soie au bleu discret s’y harmonise au ton sombre des meubles en loupe de noyer, où s’abritent les parures et les bijoux. Des arcades engagées dans les murs forment vitrines. Tables et sièges obéissent à des lignes d’une originalité de bon aloi. C’est le cadre qui convenait à une des firmes qui s’est engagée le plus heureusement dans la voie du renouvellement des matériaux et des modèles, aussi bien dans l’orfèvrerie que dans la bijouterie.

Elles sont rares les maisons qui, dans ces vingt dernières années ont eu le courage, — certains diraient la témérité — de faire violence aux préférences du public, depuis si longtemps attaché aux formes du passé. On peut les compter sur les doigts de la main Robert Linzeler a apporté, dans cette tâche si difficile de rénovation, un goût très sûr, une parfaite connaissance du métier, un esprit de recherche qui lui fait adopter sans cesse de nouveaux matériaux pour rajeunir l’écrin du joaillier et donner à ces mille bibelots précieux, où triomphe le goût parisien, un cachet d’originalité et de préciosité.

Le nom de Linzeler est d’ailleurs estimé depuis longtemps dans la corporation. Il remonte dans l’Azur à 1833, et la maison du boulevard de la Madeleine fondée par Eugène Linzeler, grand-père de Robert porte encore la firme familiale. C’est une belle conception du devoir que de rester fidèle aux traditions de ses pères et tout en leur rendant pleine justice, de faire autrement qu’à leur époque.