Fondateur de la maison Marret et Frères avec son frère Charles Marret (1807-1846), Hippolyte Marret (1804-1883) œuvra dans le domaine de la bijouterie jusqu’en 1872.
Mais dès 1845, il achète, conjointement avec son frère, Charles Marret et avec Pierre-Joseph Guillemot, une propriété dans le Limousin – appelée Bessous (Bessou ou Bessoux), à quelques kilomètres de Saint-Yrieix-la-Perche (87 – Haute-Vienne).
Ce domaine comprend alors la propriété proprement dite de Bessous, forte de 86 hectares, ainsi que la forge et les hauts-fourneaux nécessaires à l’exploitation. S’y ajoutent les forêts de Lastours (250 ha), de Saint-Hilaire (72 ha), et des Beiges (62 ha) ainsi que divers bois et bruyères, pour une superficie totale de 476 hectares… En 1846, il rachète la part de son frère et en 1857, celle de Pierre-Joseph Guillemot, devenant ainsi l’unique propriétaire du domaine.
Charles Marret profite en outre d’une vente aux enchères, le 26 septembre 1845, pour faire l’acquisition du domaine de Masvieux, situé à quelques kilomètres de Bessous ; d’une superficie de quarante hectares environ, celui-ci se composait alors de maisons « de colons », de granges, d’étables, ainsi que de jardins, prés, pacages, landes, bois, châtaigneraies et bruyères.
Au fil des ans, Charles Marret vend quelques terres et acquiert plusieurs autres parcelles et des bâtiments, certains à proximité (à Ladignac, au Chalard ou à La Meyse), d’autres toutefois dans des communes plus éloignées.
On peut penser que certaines d’entre elles, inférieures à 1 hectare, n’ont d’intérêt que pour constituer un ensemble plus cohérent. Charles Marret a probablement un autre objectif lorsqu’il achète le moulin du Haut-Bessous, celui-ci comprenant une maison d’habitation, un jardin, des prés et de terres et une petite parcelle sur laquelle se trouvent les ruines d’un ancien château connu sous le nom de « Château de la Reine Blanche » ; peut-être cela fait-il référence à Blanche de Castille, future reine de France, qui venant d’Espagne en France, escortée par le limousin Hélie de male mort, s’arrêta dans ce château qui par la suite porta son nom.
L’ensemble des propriétés de Charles Marret se monte, au moment de son mariage avec Pauline Lelièvre, en 1863, à 574 hectares ; mais il cède plusieurs terres dans les années qui suivent. Lors du règlement de sa succession, en 1911, il ne reste plus que 280 hectares, ce qui demeure encore considérable…
Charles Marret finit sa vie à Masvieux, y décédant le 3 avril 1883 ; son neveu Ernest Marret (1835-1911) habite ultérieurement la propriété et y demeure lui aussi jusqu’à sa mort, le 26 mars 1911.
Pierre-Édouard Marchand, fils du premier mariage de Pauline Lelièvre avec Louis-Eugène Marchand, devient ensuite propriétaire du domaine jusqu’à son décès en 1929 ; son fils Albert lui succède jusqu’en 1941.
~~~~~~~
Bessous
À Bessous, Hippolyte Marret abandonne définitivement l’exploitation de la forge et du haut-fourneau qui y avaient été antérieurement en fonction, préférant élever des vaches laitières et tenter de fabriquer un fromage façon Gruyère. L’assèchement d’un étang et les travaux d’irrigation qu’il doit faire sont reconnus comme exceptionnels par la Société d’agriculture de la Haute-Vienne qui lui décerne une médaille d’or en 1849. Trois ans plus tard (en 1852), ses fromages façon Gruyère lui valent une médaille d’argent…
La ferme qu’Hippolyte Marret a fait construire à Bessous a été considérée comme une remarquable réalisation architecturale; quant à la porcherie, de forme octogonale, elle a été classée monument historique en 2004 par le Ministère de la Culture, faisant l’objet d’une fiche descriptive ; malheureusement, cette porcherie a récemment brûlé.
[…] l’étable de Bessous (com. de Ladignac-le-Long) est signalée en 1851 pour avoir des mangeoires en zinc, des conduites d’eau en plomb et un sol en béton. Mais il s’agit là d’un établissement s’inscrivant en rupture par rapport aux pratiques agricoles limousines. Son nouveau propriétaire, Hyppolite Marret, un bijoutier parisien retiré à la campagne, avait entrepris de transformer cette ancienne forge en fabrique de fromage de gruyère, l’étang une fois asséché devant produire le foin nécessaire à l’alimentation de cinquante vaches laitières.
Le cas de Bessous est particulièrement significatif. Présenté comme une réalisation remarquable, il ne saurait être un modèle, dans la mesure où il implique des capitaux, des méthodes, mais aussi un mode de faire-valoir – une main-d’œuvre salariée – ne répondant pas aux caractéristiques générales de l’agriculture locale.
Source : Grandcoing, Philippe. « L’architecture au service de l’agriculture? » Les fermes modèles en pays de métayage et d’élevage. L’exemple du Limousin au XIXe siècle. Histoire & Sociétés Rurales, 2010/1 Vol. 33, p. 60
Lettre de M. MARRET, propriétaire à Bessoux, près Saint-Yrieix, sur les irrigations et la fondation d’un établissement pour la fabrication des fromages façon Gruyère.
Bessoux, juillet 1849.
Il y a quatre ans que j’ai acheté la propriété de Bessoux : elle se composait alors des forêts de Lastour, des Beiges et de St-Hilaire, du domaine de Bessoux, où étaient établis une forge et un haut-fourneau; depuis j’y ai ajouté, par diverses acquisitions, le domaine de Masvieux et quelques autres petites propriétés. La contenance des domaines de Bessoux et Mavieux est aujourd’hui de 160 hectares environ; les forêts, qui en sont détachées de deux lieues environ, sont de 400 hectares.
Après mon acquisition je n’ai pas cru devoir continuer l’exploitation de la forge et du haut-fourneau. Les frais énormes dans lesquels cette usine se trouvait entraînée pour son approvisionnement et pour l’écoulement de ses produits étaient tels, parle mauvais état des chemins, qu’ils amenèrent la ruine de mes prédécesseurs.
Je me décidai donc, pour ne pas courir les mêmes risques, à détruire la forge, et je pris la résolution de dessécher l’étang pour en faire une vaste prairie. C’est de ce travail que je me suis principalement occupé depuis que je suis propriétaire. II m’a occasionné de très grands frais; car, dans la prévision qu’il me serait possible un jour de rétablir une usine, j’ai dû, pour conserver ma chute d’eau, faire un canal fort important qui maintînt les eaux à leur hauteur ordinaire. Le canal entoure toute la prairie, et j’espère en tirer un très bon parti pour mes irrigations. Tous ces travaux sont loin d’être terminés; mais je crois cependant qu’ils sont assez avancés pour que je puisse me permettre d’attirer l’attention de la Société d’Agriculture sur les résultats qu’ils peuvent donner. Comme moyens d’irrigation, ils doivent faire, je l’espère, de l’ancien étang de Bessoux, une prairie aussi bonne qu’il est possible de l’obtenir dans ce pays.
J’ai déjà récolté assez de foin pour pouvoir faire un essai que j’ai vivement à cœur de continuer -.je veux parler de la fabrication du fromage façon Gruyère que j’ai le désir d’introduire dans le pays. Pour être plus sûr de réussir, j’ai fait venir, il y a un an environ, un fromager de Gruyère même, et je puis dire aujourd’hui que j’ai réussi sur un point fort important : celui que j’ai obtenu peut rivaliser, pour la qualité, avec celui de la Suisse; mais toutes les difficultés ne sont pas vaincues, car il me faut parvenir à nourrir, dans mon domaine, au moins quatre-vingts à cent vaches laitières : si je n’arrive point à ce résultat, les frais dans lesquels cette fabrication entraîne ne me permettraient pas de continuer ; mais j’aurai toujours les ressources de suivre l’usage du pays, qui consiste à ne faire que des élèves pour la boucherie. Je considère tellement comme un devoir la tâche que je me suis imposée d’améliorer la terre que je possède, que je viens encore, ce mois même, de faire venir d’un pays près de Chartres une brave famille de cultivateurs, composée du père, de la mère et de cinq enfants : ils vont mettre la main à l’œuvre pour tâcher d’obtenir, par une culture bien entendue, quelques prairies artificielles et quelques plantes sarclées, qui devront compléter la nourriture d’hiver pour les bestiaux. J’ai fait venir aussi douze vaches laitières de la Normandie, ainsi qu’un très bel étalon. Malheureusement la fatigue du voyage, effectué dans les grandes chaleurs, m’a fait perdre le taureau et plusieurs des jeunes veaux. Quelques vaches ont aussi été malades ; mais aujourd’hui elles sont toutes remises de leurs fatigues, et j’ai lieu d’espérer que, avec un bon étalon du pays, la race se maintiendra bonne laitière.
Source : Bulletin de la Société d’agriculture de la Haute-Vienne, 1849, p. 30-31.
Masvieux